
« Rondement mené et d’une extrême précision comme l’exige le genre comique, Système 2 suscitera à coup sûr les rires communicatifs d’enfants qui se régaleront – c’est le cas de le dire – avec cette histoire d’œufs à deux à dormir debout. D’œufs mais aussi de relation, de soumission, de rébellion et d’évasion interprêtée par Valérie Joyeux et Vincent Raoult, un duo qui fonctionne à merveille. Avec leurs yeux égarés, leurs grands lunettes rondes, leur tablier blanc, leur mine disciplinée et leur attirance à peine feinte, ces deux voisins de chaîne qui voient dérouler à longueur de journée des œufs blancs sur leur tapis roulant subissent les invectives de leur chef via la voix off d’Arnaud Lhoute. Qui s’agite de plus en plus quand il réalise que le système, les œufs et les travailleurs dérapent… Avant une plongée en abysses cinématographique et poétique. Ludique et jubilatoire. »
(Laurence Bertels, La Libre, 6 septembre 2017)
« On a beau en avoir fait du chemin depuis Guignol, les ressorts du spectacle pour enfants restent finalement assez immuables. Quand, devant Système 2, on voit les enfants bouillir d’excitation tout en criant « Là, il est parti par là, vite ! » à l’adresse de deux pieds nickelés chasseurs d’œufs gigoteurs, on se dit qu’on a beau multiplier les trouvailles formelles et les avancées technologiques du théâtre jeune public, un enfant reste un enfant, démarrant au quart de tour des bons vieux trucs de troubadours.
Avec un humour basique mais ravageur, Les pieds dans le vent installent Valérie Joyeux et Vincent Raoult derrière un tapis roulant qui fait défiler des œufs à la chaîne quand surgit un œuf étrange, à la couleur orange plus que suspecte, clin d’œil involontaire au fipronil. Au fil de courses-poursuites rocambolesques, les deux techniciens en agro-alimentaire vont plonger dans un univers luxuriant et libre, loin de leur quotidien psychorigide. »
(Catherine Makereel, Le Soir, 25 août 2017)
« La crise des œufs orangés
Le travail mécanisé, les œufs contaminés, voilà de quoi faire une comédie burlesque qui s’attaque autant au labeur privé de toute conscience, à la peur de l’étrange et donc de l’étranger, au monde frelaté parce que formaté.
Devant le tapis roulant où défilent les œufs pondus par des milliers de poules invisibles, calibrés pour donner l’impression au consommateur qu’ils sont parfaits et donc bons pour la santé, ils sont deux humains à accomplir un boulot mécanique rythmé à la seconde près.
Ce genre de scène a déjà été vu et revu. Ce n’est pas nouveau. Mais c’est un bon prétexte pour enchaîner des gags visuels et miser sur un comique de répétition agrémenté de variations. La pression faite sur les techniciens vérificateurs est palpable et pas uniquement par la cadence de défilement des œufs engoncés dans leur coquetier individuel. La voix venue d’ailleurs, celle du chef de service ou de bureau invisible, voix off anonyme et fortement audible, rappelle la notion de rentabilité impérative.
Les pauses qu’elle accorde (il ne convient pas d’user trop vite le personnel) sont minimalistes, que ce soit pour souffler un brin ou pour se sustenter chichement. Ce système démontre à l’évidence l’impossibilité de réussir le travail réclamé : attester de la qualité irréprochable du produit. Demeure néanmoins la façon de faire de l’usine, immuable, forcenée, abrutissante.
Cela peut fonctionner un certain temps. Il arrive forcément un moment où quelque chose cloche. Ce sera ici l’apparition d’un œuf de couleur différente, un unique, presque rouge, indécent, flagrant, insupportable. À partir de cette intrusion, plus rien ne fonctionne comme auparavant.
Les travailleurs sont distraits, perturbés, agacés mais amusés. La monotonie de leur labeur est brisée. Au lieu de ressasser des questions sans réponses comme ils le faisaient d’habitude, ils ont désormais le piment de l’inattendu, le mystère de l’inconnu. Et la peur de l’anormalité qui taraude la voix du système se transforme chez eux en curiosité.
L’ennemi potentiel devient allié pour déranger la marche inéluctable des choses. Jusqu’au moment où le rêve suggéré par la nouveauté vivifie l’imagination des travailleurs et les embarque vers un monde où la nature n’est pas totalement polluée, un univers en ombre chinoise, d’un romantisme assez kitsch, un territoire soumis au temps des saisons plutôt qu’à celui des mécaniques.
« (…) le très ludique, humoristique et dynamique Système 2 de la Cie Les pieds dans le vent »
(Laurence Bertels, La Libre, 25 août 2017)
« Paulette (Valérie Joyeux) et Eugène (Vincent Raoult) travaillent à la chaîne. C’est qu’ils en voient passer des œufs ! Des blancs, blanc normal, blanc blanc, blanc rosé, blanc de lait… Chaque œuf est inspecté sous toutes les coutures ! Nos deux ouvriers ont à peine le droit de faire une pause et, à la moindre incartade, sont rappelés à l’ordre. Cela ne les empêche pas de penser et de s’interroger. Les poissons, comme la poule, couvent-ils leurs œufs ? Pourquoi les œufs n’ont-ils pas de plumes ? Un œuf rouge s’est glissé parmi les autres. Parce que leur chez n’aime pas ce qu’il ne connaît pas, le duo est chargé de capturer et d’éliminer l’intrus. Un spectacle visuel, dynamique dont on appréciera l’esthétique épurée et colorée. Qui pose une ultime question : ne pas se soumettre à des injonctions n’ouvre-t-il pas sur un autre univers ? »
(Isabelle Spriet, Les Parents et l’Ecole, n°99, juin-juillet-août 2018)